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De l’Inde à l’Europe, l’urgence d’un autre modèle agricole

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Marche paysanne entre Gwalior et Delhi, oct. 2012 © Benjamin Joyeux

Alors que les agriculteurs français manifestent dans tout le pays, Emmanuel Macron est en voyage en Inde, principalement pour vendre au Premier Ministre d’extrême droite Narendra Modi des avions de combat Rafale et des EPR. Le Président français ferait mieux de se renseigner sur la réalité de la situation des paysan·nes indien·nes, une leçon instructive pour la France et le reste du monde.

Emmanuel Macron est en visite en Inde ces 25 et 26 janvier, invité d’honneur du Premier Ministre indien Narendra Modi. Cette visite de deux jours au pas de charge du Président français, accompagné pour l’occasion de trois ministres et d’une kyrielle de chefs d’entreprise, avait pour objectif affiché de renforcer un « partenariat stratégique » entre nos deux pays, fait de ventes de Rafales supplémentaires et de réacteurs nucléaires EPR. Néanmoins, au vu de la grave crise politique actuelle du monde agricole, ce voyage semble totalement hors sol et politiquement très aventureux.

Ayant déroulé le tapis rouge à Monsieur Modi lors de la dernière cérémonie du 14 juillet, décision qui constituait déjà une erreur politique manifeste, Emmanuel Macron a donc récidivé en acceptant d’être l’invité d’honneur du dirigeant nationaliste indien d’extrême droite pour la fête nationale indienne du 26 janvier et semble en être particulièrement fier.

Alors rappelons-lui un certain nombre de faits : tout d’abord la nouvelle « crise », une de plus, qui frappe les agricultrices et agriculteurs français, essorés par un système à bout de souffle, et qui manifestent actuellement dans toute la France, mérite que le Président français prenne la question à bras le corps en restant ces jours-ci sur le territoire national. 

Ensuite, Emmanuel Macron aurait bien fait de discuter longuement de ce sujet avec le Premier Ministre indien, mais surtout avec un certain nombre d’organisations paysannes et de syndicats qui ont participé à des manifestations monstres en Inde il y a trois ans. En effet, en 2020-2021, le Sous-Continent a connu des mois de révoltes paysannes et jusqu’à 250 millions de grévistes qui se mobilisaient dans tout le pays contre une réforme agraire de Narendra Modi visant à libéraliser la commercialisation des produits agricoles indiens. Une réforme dans l’intérêt de l’agro-business, dont les principaux bénéficiaires, les milliardaires Ambani et Adani, étaient et restent très proches de Modi. Après une féroce répression de sa part, le gouvernement avait néanmoins fini par renoncer à sa réforme en novembre 2021.

En Inde, environ 700 millions de petits paysans, soit l’équivalent de l’ensemble de la population européenne, pratiquent encore une agriculture vivrière ancestrale sur de petites surfaces. L’agenda néolibéral qui, à coup d’accords de libre-échange, de dérégulation et de concentration permanente des chaînes de valeur entre les mains de multinationales toujours plus voraces, met ces derniers directement en danger de mort. Et il en va en Inde comme dans le reste du monde.

En France, ce sont les politiques néolibérales qui sont à l’origine de la souffrance actuelle des agricultrices et agriculteurs, dont la majorité peine à survivre économiquement tandis qu’en amont comme en aval, les grands groupes agrochimiques (par les intrants) et agroalimentaires (via les grandes surfaces), s’enrichissent comme jamais (entre 2021 et début 2023, le taux de marge des industries agroalimentaires est passé de 28 à 48 %.

Modi comme Macron ont fait le choix des multinationales, là où des mouvements de paysans partout sur la planète réclament un tout autre modèle agricole, garantissant la souveraineté alimentaire par une agriculture durable qui cesse d’accaparer les terres et l’ensemble du vivant. C’est ce changement de modèle urgent et nécessaire que défendent les écologistes dans l’intérêt de toutes et tous, contrairement à ce qu’affirme la propagande en cours portée tant par la Macronie que par l’extrême droite, elles dont les représentant.es au Parlement européen ont voté pour la dernière mouture de la PAC toujours profitable à l’agro-industrie.

Alors accuser l’écologie face au malaise agricole actuel équivaut à vouloir casser son thermomètre lorsque l’on a de la fièvre. Le choix politique est simple : favoriser les affaires des multinationales de l’agro-business, en Inde en Europe et partout ailleurs, ou bien assurer la survie de l’ensemble des paysannes et paysans tout en nourrissant correctement le monde, en changeant urgemment et radicalement de modèle. C’est cette option que nous défendons.

Sur les routes indiennes, Emmanuel Macron ferait bien de méditer cet adage du Mahatma Gandhi, père de la nation (dont Modi et les héritiers de son assassin sont aujourd’hui au pouvoir en Inde) :

« Il y a assez de tout dans le monde pour satisfaire aux besoins de l’homme, mais pas assez pour assouvir son avidité ».

Benjamin Joyeux, conseiller régional de Haute-Savoie et ex coordinateur de la grande marche Jai Jagat Delhi-Genève pour la justice et la paix

Annie Lahmer, conseillère régionale d’Ile de France

Fabienne Grébert, co-présidente des Ecologistes à la région AuRA

Renaud Daumas, conseiller régional de Haute Loire et agriculteur

Bénédicte Pasiecznik, conseillère régionale et agronome, co-responsable de la commission Agriculture des Ecologistes-EELV

Myriam Laïdouni, conseillère régionale de l’Isère

Françoise Alamartine, co-responsable de la commission Transnationale des Ecologistes-EELV

Pauline Rapilly-Ferniot, conseillère municipale de Boulogne-Billancourt


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